La rentrée en CPGE est souvent un véritable calvaire pour les élèves.
Pourquoi? La marche est-elle trop grande ou bien le problème est-il ailleurs ?
Les mathématiques du lycée, une science à part-entière?
Le mathématicien Charles Boubel eut l’idée de comparer les résultats en mathématiques d’une classe d'élèves en maths sup (MPSI) avec leur année de terminale. Il obtint une corrélation… quasiment nulle ! En revanche, la même étude menée pour les langues vivantes montrait une forte corrélation. Résultat rassurant pour les professeurs de langues, certes, mais inquiétant pour ceux de mathématiques. Boubel concluait alors à un dysfonctionnement possible dans l’enseignement des mathématiques au lycée et peut-être à l’existence d’une « mathématique » propre au lycée avec des objectifs et des critères différents. en savoir +
Un problème mondial
Le problème n'est pas propre à la France. Boubel ne savait pas qu’en 2007, quatre scientifiques de l’Université de Boise (Idaho, Etats-Unis), Gardner, Pyke, Belcheir et Schrader avaient déjà mené une étude similaire à grande échelle. Étudiant la transition entre le système secondaire et les premières années d’université (le College), ils observèrent également une absence de corrélation entre les résultats du lycée et ceux de l’enseignement supérieur. Mais leurs travaux dévoilèrent un autre aspect du problème: l'étude montrait que les résultats obtenus par les étudiants dans les premières années d’université étaient, quant à eux, très fortement corrélés à ceux des années suivantes.
Les auteurs conclurent alors que : « Ces résultats, s’ils s’avèrent représentatifs, ont des implications significatives dans les politiques, les normes d’admission (…). » Et effectivement, ces résultats eurent des répercussions, j’en parlerai à une autre occasion. en savoir +
Sainte Geneviève
Le Lycée Sainte Geneviève à Versailles (Ginette) est un des fleurons de l’enseignement français. De nombreux polytechniciens, centraliens ou mineurs sont issus du prestigieux lycée. Clément de Seguin Pazzis y était professeur de mathématiques spéciales (MP*), la classe au niveau le plus avancé en mathématiques. Sans rien connaître des enquêtes précédentes mais disposant d’un grand nombre de données, il constata que d’année en année, lentement, les résultats de sa classe faiblissaient. Il entreprit, tout comme Boubel, de comparer les résultats en terminale, en maths sup (MPSI) et en maths spé. Même constatation : De Seguin Pazzis observa une corrélation quasi nulle entre terminale et math sup, une corrélation parfaite entre le premier devoir de maths sup et le dernier devoir de maths spé.
De concert avec certains de ses collègues, et non sans soulever des critiques de part et d’autre, De Seguin Pazzis mit au point un test de mathématiques pour évaluer le niveau des élèves en terminale : le TeScia. Plus d’un millier d’élèves ont passé le TeScia l’an dernier et les analyses statistiques vont bon train pour améliorer le test d’année en année. en savoir +
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De l'apprentissage de la numération à la recherche de pointe, les mathématiques ou plutôt la mathématique fait preuve d’une incroyable unité, d’une surprenante cohérence. L’arithmétique de notre enfance avec ses quatre opérations, les problèmes d’arpentage, de mesures ou de grandeurs sont autant de miniatures mathématiques qui témoignent de leur développement à travers les siècles et des progrès pédagogiques accomplis par ceux qui nous ont précédés. Comment ne pas s’émerveiller que toute une population maîtrise le système d’écriture décimale, autrefois réservé aux commerçants et aux savants ? Nous voyons le résultat d’efforts conjugués de savants et d’enseignants. Aujourd’hui les avis convergent. Trois études différentes et un seul constat : la mathématique du lycée fait bande à part et s’engouffre dans un abîme. Un constat et une question : qu’attendons-nous pour réagir ?